Côte d’Ivoire/Interview -1ère partie : Abdoulaye Sylla révèle l'origine du phénomène des ''Gnambros''
Dans
cette interview, Abdoulaye Sylla, Président du collectif des Fédérations des
syndicats des chauffeurs professionnels, dépeint le tableau peu reluisant du
secteur des transports terrestres en Côte d’Ivoire. Pour la modernisation du
secteur, tout en levant le voile sur l’origine, il déplore le phénomène des
‘’Gnambros’’ qui est une difficulté majeure. Mais qui, selon lui, a été un mal
nécessaire.
Président, comment le
phénomène ‘’Gnambros’’ est entré dans le transport en Côte et les autres Etas
de l’Afrique de l’ouest puisque par le passé cela n’existait pas ?
C’est
après les élections de 1981 que Fofana
Yaya étant président du syndicat unique des transporteurs de Côte d’Ivoire a
été contacté par le commissaire Sanogo d’Adjamé qui avait un sérieux problème
de sécurité dans la commune. C’était l’insécurité totale à Adjamé. Pour régler
ce problème sécuritaire, le commissaire Sanogo a demandé à Fofana Yaya
d’organiser les jeunes en les insérant dans les gares d’Adjamé pour les occuper
à charger les véhicules. Pour le commissaire Sanogo, en les regroupant, ces
jeunes pourront être faciles à repérer. C’est depuis ce moment que ces jeunes
ont commencé à charger ces véhicules et à encaisser 25 où 50 FCFA après le
chargement. En 1986, Fofana Yaya perd les élections en faveur de Kassoum
Coulibaly. Les autres jeunes qui ont soutenu Kassoum Coulibaly s’organisent
alors pour reprendre les gares aux mains de ceux de Fofana Yaya. Il est bon de
savoir que ces jeunes au début étaient connus sous l’appellation de ‘’Gros
bras’’ ou ‘’Loubards’’. Petit à petit cette activité s’est transformée en
emploi, cette jeunesse trouve un autre crédo, ce qui fait baisser l’insécurité
à Adjamé. En 1991, d’autres élections ont lieu et Fofana Yaya voulant à tout
prix revenir, des palabres éclatent. C’est ainsi que pour résoudre le problème,
Feu Félix Houphouët Boigny autorise la liberté syndicale. Alors plusieurs syndicats
sont créés avec la multiplication des gares dans le District d’Abidjan et sur
l’ensemble du territoire national. Et pour contrôler une gare, il faut recruter
des jeunes pour mener les batailles. Et actuellement, les maires des
différentes communes d’Abidjan sont entrés dans le mouvement pour disent-ils
donner du travail à la jeunesse de leurs différentes communes. Le phénomène
‘’Gnambros’’ est en train d’être récupéré par toutes les municipalités. C’est
par ailleurs ce qui explique que les gares routières pour comme des
champignons.
Président Sylla
Abdoulaye, depuis quand exercez-vous dans le secteur des transports
terrestre ?
J’exerce
dans le secteur du transport routier depuis 1980. J’ai commencé ce métier comme
conducteur de minicars où j’ai pratiquement passé dix ans avant d’entrer dans
les compagnies de transport par car, à l’instar de l’Union des Transporteurs de
Bouaké (UTB). Là aussi, j’ai bossé comme conducteur pendant neuf ans. C’est
après ces 19 années de conduite que je suis entré dans le syndicalisme pour
défendre les intérêts de mes collègues conducteurs.
Qu’est-ce qui a pu
expliquer ce changement ?
J’ai
remarqué que notre métier qui est très noble empreint de professionnalisme se
termine toujours mal à la fin parce qu’une fois à la retraite, on ne bénéficie
pas des avantages de l’ancienneté. Car, c’est un secteur qui n’est pas
règlementé, les employés ne sont pas payés avec des salaires décents ni de
déclaration à la CNPS, ni de contrat de travail, c’est à la limite un travail
dérisoire. Selon les fantasmes et humeurs du propriétaire du véhicule, vous
pouvez à tout moment être débarqué sans préavis avec sans prime de départ. C’est
donc ce m’a motivé à réunir les conducteurs professionnels afin de défendre nos
intérêts. Et c’est dans ce sens que j’ai créé ce syndicat. Nous qui avons eu la
chance d’intégrer des compagnies de transport, payés avec un bulletin de
salaire et déclarés à la CNPS, étions toujours en train de revendiquer puisque
la convention professionnelle n’était pas respectée.
Combien d’années
avez-vous passé dans le syndicalisme ?
J’ai
été délégué syndical et ensuite secrétaire du syndicat national des conducteurs
de Côte d’Ivoire. C’est en 2003 que nous avons créé le collectif de la
fédération qui est une faitière. Je suis aujourd’hui à la tête de la fédération
mais aussi président du collectif où plusieurs syndicats de conducteurs
professionnels se sont ralliés pour la lutte. Parce que nous sommes dans un
pays où des autorités ont toujours refusé de signer la convention contenue dans
l’annexe fiscal. C’est après plusieurs discussions avec le ministre actuel,
Gaoussou Touré, que tout est entré dans l’ordre. Car, tous les acteurs ont
enfin paraphé le document. Sinon, il
faut remarquer au passage que tous ces accidents sur les routes à longueur de
journées sont causés par le fait que tous les conducteurs de minicars n’ont pas
de salaires et devraient se payer avec la plus-value de la recette. Il faut
alors gagner du temps. Pour revenir à la question, cela me fait 17 années de
lutte syndicale.
Combien de syndicats
regroupe la fédération ?
La
fédération regroupe 12 syndicats de base. Ce sont les secteurs poids lourds,
cars, minicars, bâchées de ramassages, taxis compteurs et communaux.
Qu’attendez-vous des
autorités au-delà de la convention professionnelle qui est signée ?
Aujourd’hui
toutes nos préoccupations sont en train d’être prises compte par les
gouvernants actuels. En ce moment, tout le monde parle de modernisation, or
notre secteur est encore dans l’informel. Ce qui veut dire qu’il faut d’abord
le formaliser. Le ministre Gaoussou Touré a bien compris en revoyant les textes
les textes du fonds de développement des Transports (FDT). Car, créé en 2009,
ce fonds n’a pas été mis en place. Car, par le passé ce n’était qu’un décret.
Or, on est d’accord qu’un banquier ne peut pas accorder de crédit à une société
de transporteurs sur la base d’un simple décret. Pour rappel, lorsque le décret
a été signé en 2009, on nous a réunis dans une salle pour nous demander d’aller
voir des banquiers pour des prêts afin de procéder au renouvellement de notre
parc auto. Ce qui était quasiment impossible. C’est maintenant que le ministre
Gaoussou a revu les textes de l’article 1 à l’article 18 pour faire de ce fonds
un Groupement d’intérêt économique (GIE). Et depuis 2015, le comité a repris le
travail. C’est important à ce niveau de préciser que c’est à travers ce fonds
que le secteur sera assaini. Le nouveau texte précise que dans l’avenir pour
devenir transporteur, il faut créer une entreprise de transport avec
déclaration obligatoire des travailleurs à la CNPS. Même dans les gares, les
encaissements des ‘’Gnambros’’ sous le
couvert des syndicats va prendre fin avec la nouvelle organisation. Le nouveau texte
règle tout les problèmes actuels. Car, la cotisation va se faire volontairement
et non avec force. Ce n’est sera plus une aubaine pour des jeunes désœuvrés
viennent pour racketter. En même temps, je dis que pour le moment, il faut
faire attention. Car, si on arrête subitement cette activité des ‘’Gnambros’’ de
force sans réfléchir à la réforme, ce sera l’insécurité totale à Abidjan.
Adjoumani Kouassi-
Avec Actutransport.net