Management de la qualité : Prof. Sess Essiagne Daniel explique l’importance de l’accréditation des entreprises
M. Sess Essiagne Daniel, professeur émérite de Biochimie de l'UFR des Sciences médicales de l'université Félix Houphouët-Boigny, Secrétaire exécutif du Centre régional d’évaluation en éducation, environnement, santé et d’accréditation en Afrique (CRESAC) a accordé une interview à Fraternité Matin pour expliquer l’importance de l’accréditation, gage de la notoriété des entreprises qui ont pignon sur rue.
1. Professeur
Sess, pouvez-vous nous dire ce qui a motivé la création du Cresac et nous
dresser le bilan de ce centre après seize ans d’existence ?
En
créant le Cresac le 27 avril 2005 en Assemblée constitutive, les États membres que
sont le Bénin, le Cameroun, la Côte d’Ivoire, le Gabon et le Sénégal avaient
pour ambition de se doter d’un outil efficace visant à promouvoir la qualité des
prestations offertes par les organismes d’évaluation de la conformité œuvrant
dans les domaines de la santé, de l’éducation et de l’environnement.
Avant
de poursuivre mon propos, je voudrais rappeler que le Cresac est issu du
programme d’appui de l’Agence universitaire de la Francophonie (Auf) aux pôles
d’excellence régionaux dans le domaine de la formation et de la recherche dans
les pays du Sud (Pers), et cela depuis
novembre 2003. Initialement, suite à un appel à candidature, sur quatre
mille (4000) projets présentés par les États membres de l’Auf, quatre cent
(400) avaient été présélectionnés donc éligibles, et plus tard douze (12) ont
été retenus par le Conseil scientifique; le projet Cresac ayant été reconnu
comme le meilleur projet pilote pour l’espace francophone.
Il
est important de signaler que ce projet est l’initiative de cinq universités de
référence de la sous-région à savoir Cheick Anta Diop du Sénégal, Félix Houphouët-Boigny
de la Côte d’Ivoire, Oumar Bongo du Gabon, Parakou du Bénin et Yaoundé 1 du Cameroun.
L’université Félix Houphouët-Boigny a joué un rôle primordial et fédérateur
dans la mise en place du Cresac, et l’engagement de la Côte d’Ivoire a amené
les autres États membres à désigner notre
pays comme État siège.
En termes
de bilan, nous pouvons souligner deux grandes étapes : l’étape
organisationnelle et structurelle du Cresac et l’étape opérationnelle.
S’agissant de la première
étape, elle a consisté à mettre en place l’organisation nécessaire au
fonctionnement du Cresac et ce, conformément aux règles internationales
applicables en la matière.
2. Plus
concrètement, en quoi cela a consisté ?
Le Cresac a œuvré à la mise en place du
cadre légal et règlementaire nécessaire à l’exercice de sa mission. Nous avons
travaillé sur les conventions entre les États membres, et élaboré des textes et
autres documents. Nous avons également bâti et mis en œuvre un système de management de la
qualité basée sur la norme ISO 17011, norme à laquelle doivent se conformer les
organismes d’accréditation. Ceci nous a permis de mettre en place des organes
importants que sont les comités Impartialité, Appel et Accréditation, nécessaires
pour garantir l’indépendance du Cresac dans ses mécanismes de décision. En plus
de cela, nous avons constitué un pool d’experts à même de réaliser les
évaluations d’accréditation et obtenu la reconnaissance par la faitière
internationale dénommée International Laboratory Accreditation Cooperation
(ILAC).
Il faut rappeler que cette étape organisationnelle
et structurelle a pris beaucoup de temps du fait des crises post-électorales
successives, et de la lenteur dans le processus de signature de certains
textes. Elle a pris fin en 2017 avec le démarrage effectif des activités
d’accréditation.
3. Et qu’avez-vous fait du point de vue de vos
activités proprement dites ?
Plusieurs activités
ont été menées à ce jour. Au niveau de la normalisation, le Cresac participe
aux travaux d’élaboration des différentes normes applicables aux organismes
d’évaluation de la conformité, qui sont les cibles de l’accréditation.
Nous avons réalisé à
l’endroit du personnel des laboratoires de biologies médicales, publics et
privés, plusieurs sessions formation à la norme Iso 15189. Au total, se sont en
moyenne 130 laboratoires publics essentiellement des hôpitaux et autres
formations sanitaires et 5 laboratoires privés, repartis sur l’ensemble du
territoire national, qui ont vu leur personnel formés à la norme Iso 15189. Ses sessions de
formation, ont permis aux bénéficiaires de s’approprier cette norme, qui
définit les exigences concernant la qualité et la compétence des laboratoires
de biologie médicale, le tout pour la réalisation essais sûrs et fiables.
Nous avons en outre
formé 150 assesseurs à la norme Iso 15189 dont 50 pour la Côte d’Ivoire et 25
pour chacun des autres Etats des membres à savoir le Bénin, le Cameroun, le
Gabon et le Sénégal. Dans le cadre d’un programme d’accréditation des
laboratoires des pays africains initié par l’Organisation mondiale de la santé (Oms),
ces assesseurs avaient pour rôle d’assister les laboratoires dans leur démarche
de mise en conformité à la norme Iso 15189 en vue de leur accréditation.
Le Cresac a en outre
formé 30 évaluateurs qualité, spécifiquement à l’évaluation des laboratoires de
biologie médicale par une formation combinée aux normes Iso 15189 et Iso 19011
(Audit des systèmes de management) et ce, selon les normes de formation
édictées par la faitière (Ilac).
En termes d’évaluation, nous en
avons réalisé environ 500 en Côte d’Ivoire, en Afrique de l’ouest, et dans
d’autres régions d’Afrique notamment en Afrique centrale. Dans la même lancée,
plusieurs missions d’accréditation ont été faites de concert avec notre homologue
français, le Comité français d’accréditation (Cofrac) dans la sous-région,
notamment au Gabon.
Par ailleurs, un appui à
l’évaluation et l’accréditation dans le secteur de l’éducation a été apporté au
profit de certaines structures nationales et régionales tels le ministère de
l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique (Mesrs) de Côte
d’Ivoire et le Conseil africain et malgache pour l’enseignement supérieur (Cames).
Dans le cadre justement de la collaboration avec le Cames, le Cresac a apporté
un appui audit organismes pour le développement de compétences nationales en
matière d’accréditation au sein des États membres du Cames. Ainsi, le Cresac a
formé un pool d’expert pour le compte du Burkina, du Cameroun, de la Guinée, du
Sénégal, et pour la Centrafrique.
Tout cela a été sanctionné, le 11
avril 2018, par une décision du gouvernement ivoirien (État siège) portant
approbation et signature de la Convention internationale du Cresac.
Au regard de ces deux étapes,
assorties de l’arrêté N°0184 de 2010 déterminant les modalités de
l’accréditation des laboratoires de biologie médicale en Côte d’Ivoire, on peut
globalement dire que le bilan est positif. Mais nous reconnaissons humblement
qu’il reste beaucoup à faire. La question de la qualité est une œuvre de longue
haleine. Chaque jour, nous y travaillons.
4.
Quelles différences faites-vous
entre une certification et une accréditation ?
La
certification donne l’assurance qu'un produit, un service ou un système est
conforme à des exigences spécifiques préétablies et consignées dans une norme
ou un référentiel.
L’accréditation,
quant à elle, permet d’attester la compétence technique et organisationnelle
d’un organisme à réaliser des activités spécifiques d’évaluation de la
conformité.
En
la matière, les organismes de certification sont des organismes d’évaluation de
la conformité (Oec). Ils peuvent, à ce titre, se faire accréditer par un
organisme d’accréditation tel que le Cresac,
afin de démontrer leur compétence à exercer l’activité de certification, selon les
normes internationalement admises.
5.
Quel intérêt
avons-nous à obtenir l'accréditation de nos laboratoires,
entreprises ou de nos organismes ?
Accréditer nos
organismes et laboratoires permet de garantir à nos populations l’accès à des
prestations, des services, des produits de qualité avérée et non simplement
attestée par les prestataires, fournisseurs de services ou autres producteurs
eux-mêmes.
L’accréditation
permet de briser les barrières commerciales et faciliter les échanges
commerciaux en favorisant l’instauration de la confiance entre les diverses
parties intéressées en ce qui concerne la qualité des prestations, des produits
et des services offerts, tant au plan national qu’international.
L’accréditation
permet enfin aux organismes d’être compétitifs, de satisfaire leurs clients,
donc de les fidéliser et d’être pérenne.
6.
Les méthodes, guides de bonnes
pratiques et référentiels peuvent être mis en œuvre volontairement, sans pour
autant obtenir une reconnaissance externe. Mais si - par volonté ou obligation
- l'on souhaite être accrédité ou certifié selon une norme, qu'est-ce que cela
implique ?
Cela
implique au requérant de se conformer à la procédure en vigueur en matière
d’accréditation. Celle-ci se traduit comme suit :
·
Adresser une demande
d’accréditation au Cresac ;
·
Constituer son
dossier de demande sur la base des informations reçues du Cresac suite à la
demande ;
·
Préparer la visite
d’évaluation ;
·
Se soumettre à l’évaluation
sur site ;
·
Attendre du Cresac la
décision relative à l’octroi ou non de l’accréditation.
Cette
démarche suppose au préalable que l'activité pour laquelle vous sollicitez
l'accréditation est reconnue comme étant une activité d'évaluation de la
conformité, par exemple les analyses médicales, les essais, les étalonnages, la
production de matériaux de référence, l’organisation de comparaisons
interlaboratoires, l’inspections, la certification, etc.
7.
Il y a-t-il des marques de
qualité garanties par les États membres du Cresac ?
La
marque de qualité garantie par les États membres du Cresac en matière
d’accréditation est la marque de conformité délivrée par le Cresac au sein de ces
États.
8.
Si dans le monde académique le Cresac
est plus ou moins connu, il reste que le citoyen lambda ne perçoit pas toujours
bien ce que vous faites en faveur de la population. Pouvez-vous nous le dire ?
Les actions du Cresac
se perçoivent au niveau des prestations des organismes d’évaluation de la conformité
accrédités. L’exemple le mieux perçu reste celui du laboratoire de biologie
médicale. La qualité des prestations offertes par les laboratoires dont les
compétences sont attestées par le Cresac, et ce, au bénéfice des populations,
en est une illustration éloquente.
9. Imaginez-vous
en train de faire un plaidoyer devant des personnes dont vous estimez
l’engagement prépondérant pour faire avancer de façon notable le plan d’actions
du Cresac, que leur diriez-vous ?
Le
Cresac est un outil dont l’action contribue à garantir aux populations l’accès
à des services de qualité. À travers le dispositif en place, cette action
contribue également à asseoir un climat de confiance entre les différents
partenaires (Bénéficiaires, prestataires, clients, ...).
Le
rôle important des audits qui mettent en exergue les faiblesses, les forces,
les opportunités et les menaces sont de nature à encourager le plan d’actions
du CRESAC, organisme accréditeur qu’il faut continuer à promouvoir.
A
titre exemple, dans le cadre de la réforme hospitalière initiée par le
gouvernement ivoirien le Cresac a contribué à l’élaboration des textes relatifs
à la certification et à l’accréditation en santé.
À cet
égard, le Cresac entend prendre toute sa place aux côtés des gouvernements des
Etats Membres et jouer pleinement son rôle d’organisme d’accréditation.
Ainsi,
les activités du Cresac profitent également à une population plus large, à
savoir, celle des États membres.
Notons
que si la qualité a un coût, la non qualité coûte beaucoup plus chère et
peut être préjudiciable à la santé, l’éducation et la formation ainsi qu’à
l’environnement !
C’est
pour cette raison que les États membres attachent du prix aux activités du Cresac.
C’est l’occasion de féliciter et remercier l’État de Côte d’Ivoire pour les
efforts qu’il déploie en tant que État siège.